Gestion de crise : quand le remède ramène au pire.

Tout le monde connait l’expression suivante : « l’enfer est pavé de bonnes intentions. ». En dépit de toute la bonne volonté du monde, une personne peut arriver à générer des catastrophes, les meilleures pensées pouvant conduire aux pires résultats.

 

La gestion de crises, en entreprise comme dans le secteur social et médico-social, répond bien souvent à cet écueil. Pourquoi donc et comment?

 

L’être humain structure le monde qu’il habite selon une logique en miroir, à partir du principe de dualité et selon des liens de causalités linéaires.

 

Pour beaucoup de décideurs, l’apparition d’un problème nécessite la résolution de ce problème. Le milieu du management est empli de slogans illustrant cette logique. La rapidité et l’efficacité de la réponse devient alors la préoccupation majeure.

 

En adoptant une telle attitude, souvent avec de bonnes intentions, les décideurs s’emploient à traiter la partie émergée de l’iceberg, le symptôme, sans même intégrer dans leur réponse les interactions multifactorielles qui ont induit l’évènement indésirable ou l’état de crise.

 

Que diriez-vous d’un marin, qui, constatant une voie d’eau, se contenterait uniquement d’écoper et de placer une pinoche (cône en bois ou plastique utilisé pour obturer une voie d’eau) et sans procéder aux réparations ni s’interroger sur les raisons de l’accident? Quand bien même aurait-il heurté un objet flottant non identifié, serait-il pour autant dispensé de se demander pourquoi les œuvres vives de son navire sont-elles si peu résistantes et pourquoi n’a-t-il pas pu anticiper et éviter le choc malencontreux? La veille permanente, à laquelle il se doit, a-t-elle été défectueuse?

 

Dans ce sillage, examinons très succinctement deux exemples. Le premier concerne un établissement social dont les dysfonctionnements perdurent depuis plusieurs années au point d’entraîner une dégradation majeure de sa capacité à remplir la mission sociale pour laquelle il est habilité et financé (absentéisme record, turn-over élevé, conflits entre la direction et les travailleurs sociaux, pertes financières, etc.). Le second exemple est celui d’un établissement privé de santé dont le personnel se met soudainement en grève, certains patients sortant contre avis médical, sans parler d’évènements tragiques concomitants. 

 

Dans le premier exemple, le réflexe managérial est de rechercher une intervention pour « remobiliser les travailleurs sociaux. ». Dans le second exemple, le réflexe managérial est de faire intervenir un psychologue du travail pour « écouter et apaiser les salariés. ». Dans les deux cas, nous sommes face, non à des erreurs mais à des fautes.

 

En ne se posant ni les bonnes questions, en réagissant à chaud sur des dimensions communicationnelles immédiates, en voulant uniquement traiter l’aspect bruyant et dérageant de la situation, en refusant d’examiner les tendances de fond au long court, les managements concernés alimentent le malaise dont ils croient pouvoir évincer les causes visibles et dérangeantes.

 

Le recours à du curatif (prévention tertiaire) paradoxalement alimente la problématique structurelle tout en donnant l’impression de résoudre le problème.

 

Tout succès immédiat (évitement d’un mouvement social ou fin d’un mouvement de grève) apparaîtra ultérieurement comme une victoire à la Pyrrhus.  La clinique des individus comme des groupes est ici certaine et impitoyable.

 

Or, les savoirs et savoir-faire issus de la psychologie clinique du travail, alliés à une approche globale du management introduisent à une autre approche méthodologique au bénéfice de tous.

 

Voir n’est pas savoir.

 

Vouloir faire taire ce qui dérange à court terme est une motion bien compréhensible, mais lorsqu’elle est adossée à un souhait de n’en rien vouloir savoir des raisons structurelles sous-jacentes, elle n’est rien d’autre qu’une étape supplémentaire dans l’alignement de ces pavés qui conduisent en enfer, demain ou après-demain.